L’autonomie financière : une notion qui pose question
En s’emparant du dossier sur la réforme constitutionnelle, la nouvelle délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale relance le débat sur la notion d’autonomie financière.
Ressources propres des collectivités
L’autonomie financière des collectivités territoriales a été introduite dans la Constitution par la révision du 28 mars 2003 à l’art. 72-2 C. Selon cet article, « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources ».
Seulement ces ressources propres, définies par la loi organique du 29 juillet 2004, ont un caractère très large puisqu’elles comprennent également les transferts de fiscalité d’Etat au profit des collectivités territoriales.
Progrès de l’autonomie financière
Au sens de la loi, et selon les chiffres de la mission, l’autonomie financière se serait renforcée. Depuis 2003, elle est passée de 60,8% à 68,6% pour les communes, de 58,6% à 70,9% pour les départements et de 41,7% à 62,5% pour les régions (source caissedesdepotsdesterritoires.fr). Mais attention à relativiser ces données puisqu’elles s’expliquent principalement par les baisses de dotations globales de fonctionnement durant le quinquennat Hollande.
Le texte de 2003, qui pose l’autonomie financière des collectivités territoriales comme un principe, reste malgré les apparences, très ambigu au regard de l’autonomie fiscale.
Autonomie fiscale des collectivités : comment s’y prendre ?
Compenser intégralement les transferts de charge
Les députés recommandent d’instaurer une compensation « intégrale et évolutive » des transferts de charges. Selon la révision constitutionnelle de 2003, « tout transfert de compétences entre l’Etat et les collectivités s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ». Cependant, pour le Conseil constitutionnel, « la compensation n’a pas à être intégrale (une équivalence suffit), ni glissante (il n’est pas obligatoire de prévoir une actualisation, sous la seule réserve du cas où l’évolution de la dépense serait telle qu’elle finirait par entraver la libre administration)» (source lagazettedescommunes.com).
Dans la réalité, ces compensations de l’Etat, qu’elles soient aléatoires ou totales, se sont progressivement transformées en dotations. Premier signe du déclin de l’autonomie fiscale locale.
Resserrer le périmètre des ressources propres
Le Conseil constitutionnel est l’organe habilité pour statuer sur les rapports que peuvent entretenir l’autonomie fiscale et le principe de libre administration des collectivités territoriales. Or Charles de Courson, rapporteur de la mission, rappelle que le Conseil constitutionnel n’a jamais censuré une disposition au motif qu’elle entravait la libre administration des collectivités territoriales. Et pour cause : le seuil de recettes fiscales en deçà duquel la libre administration serait remise en cause n’a jamais été clairement définie. Du coup le terrain du contentieux a souvent laissé place à celui du politique. Christophe Jerretie (LREM, Corrèze), co-rapporteur de la mission enfonce le clou en affirmant que « l’autonomie financière est un leurre » (source lagazettedescommunes.com).
Une piste émise par les députés consiste donc à resserrer la notion de ressources propres, en excluant la fiscalité transférée. Mais attention à tirer les leçons du passé : lorsqu’il s’est agi de définir la notion de recettes fiscales, les débats parlementaires ont parfois été vifs au sein de l’hémicycle.
Classifier les ressources fiscales
Les députés recommandent une loi organique pour introduire l’autonomie fiscale dans la Constitution.
Selon Charles de Courson il faudrait pour cela différencier deux catégories de ressources fiscales :
- La 1ère catégorie correspond à un impôt dont l’assiette fiscale et le taux sont territorialisés entrainant l’« autonomie fiscale pure »
- La 2e comprend les impôts dont l’assiette fiscale est territorialisée mais avec un taux bloqué fixé nationalement (comme la CVAE) ; il peut s’agir également d’impôts pour lesquels les collectivités ont quasiment épuisé leurs marges de modulation (par exemple les droits de mutation à titre onéreux, DMTO) (source com).
Mettre en place un ratio en guise de contrôle
Autre piste proposée par la mission : mettre en place « un ratio d’autonomie fiscale en fonction de ce qui serait jugé souhaitable pour garantir la libre administration des collectivités territoriales ». Les associations d’élus locaux semblent se réjouir de cette idée.
Les députés se montrent également en faveur d’une loi annuelle de financement spécifique aux collectivités territoriales, qui viendrait s’ajouter aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale (source caissedesdepotsdesterritoires.fr).
Une mission parmi d’autres
Les collectivités territoriales ont ce désir de proclamer haut et fort leur autonomie fiscale. Y parviendront-elles ? A l’heure où l’Etat impose un dispositif de contractualisation aux collectivités, les députés de la « mission flash » veulent y croire. Ils rendront leurs conclusions d’ici quelques semaines.
Ces propositions seront jointes à celle d’une autre « mission flash » créée par la délégation aux collectivités territoriales qui, elle, travaille sur « l’expérimentation et la différenciation territoriale ». L’ensemble de ces travaux s’immiscera peut-être dans la réforme constitutionnelle voulue par le chef de l’Etat. Confier un pouvoir fiscal étendu aux collectivités territoriales est-il un choix judicieux ? C’est la grande interrogation à laquelle la réforme des institutions devra répondre.